André MALARTRE
André MALARTRE : Anthologie poétique et Parcours, Deux volumes de 192 pages chacun avec un cahier de 16 pages de documents reproduits en couleur, Éditions le Vistemboir, 2016.
Dès l’abord, il est important de souligner le travail d’édition effectué par le Vistemboir et d’Yves Leroy (qui fut l’élève d’André Malartre au tournant de 1968), pour donner ces deux tomes d’une excellente tenue sous emboîtage. Le premier de ces tomes (« Parcours »), réunit les divers éléments qui firent d’André Malartre (1921-1995), un artiste aux multiples facettes, tour à tour, comédien, metteur en scène, poète, homme de radio et revuiste. C’est en 1950, qu’André Malartre, marqué très jeune par sa rencontre avec le poète surréaliste et normand, Georges Limbour, publia le recueil Amours futures, qui le fera reconnaître parmi les de sa génération, puis, en 1951 à Domfront (Orne), qu’il lancera une revue qu’il intitulera iô, revue des lettres et des arts, qui devint très vite l’une des plus importantes de la jeune poésie : « Pour réagir contre la mode d’un dolorisme et d’un pessimisme apocalyptiques nous avons pris ce nom, « iô », qui n’est ni celui d’une planète, ni celui de la fille d’Inachos, mais un cri de joie cher aux Grecs et à Ronsard. Cet optimisme ne traduit pas l’acceptation résignée d’un monde d’iniquités et d’une condition humaine imparfaite, mais la conviction que rien de bon ne se fait ici-bas, sans beaucoup d’espoir et un peu de joie. »
Mais, en même temps que cette activité de revuiste, c’est par l’Art dramatique qu’André Malartre amplifia son travail de poète et d’artiste. Dès 1957, il devint Instructeur académique d’Art dramatique pour l’Académie de Caen, artiste transmetteur dépendant de la Direction de la Jeunesse et de l’Éducation populaire du Ministère de l’Éducation nationale. S’ensuit alors une formidable activité de créateur et de transmetteur. Tous ces détails et bien d’autres encore, sont explicités dans ce premier volume, complété par une indispensable biobibliographie. On découvre également la silhouette de quelques-uns de ses amis de la revue iô. Le monde passionnant de la poésie qui se crée. On saluera la qualité des personnes évoquées dans ce premier volume et surtout celle d’Yves Leroy, qui a travaillé des mois sur cet ouvrage qui fera date ; Yves Leroy qui, vingt ans après le décès d’André Malartre, s’est souvenu de la personnalité exemplaire de ce poète et homme de théâtre normand qui fut toute sa vie rebelle à l’Institution et, de ce fait, comme tant d’autres CTP, marginalisé par la doctrine d’un Ministère de la Culture privilégiant la seule création d’excellence et sa médiation, et non le partage et la transmission de l’art par le biais d’une pratique accompagnée par les artistes. André Malartre était un artiste, un pur. Un artiste hors pair, chaleureux et incisif, mais d’une gentillesse égale à sa sincérité de cœur.
Le second volume (« Anthologie poétique »), rassemble l’œuvre poétique, composée de recueils souvent épuisés et de poèmes et textes épars, ayant parus dans diverses revues spécialisées. Il convient d’ajouter qu’André Malartre dirigea une collection aux éditions Érik Bersou et fut à l’origine d’un livre de luxe illustré par Bersou lui-même : Tolérance. Par la suite, il s’investit pleinement dans la collection « iô » nouvelle formule, une mini-plaquette de 7 x 10 cm, qui fit le bonheur de nombreux poètes et de leurs illustrateurs. André Malartre était un ami sûr, un compagnon agréable, d’une culture rare, toujours en quête d’idées neuves et dont la modestie n’avait d’égale que sa générosité. Pionnier de l’action culturelle en Normandie, le théâtre fut pour Malartre une belle aventure. Cet homme, plein de verve et de talent, assuma durant plusieurs années, « Poésie pour vivre », selon la formule de Jean Breton, émissiondiffusée sur une radio libre émettant à partir d’Hérouville-Saint-Clair et au cours de laquelle Malartre consacrait quinze minutes, une semaine durant, à un poète choisi. C’est tout cela que l’on découvre dans ces chapitres. Les 380 pages de cet ensemble méritent une grande attention, car cet ami rare, fut à l’origine de maintes initiatives artistiques, maintes mises en scène éblouissantes. Ses activités artistiques feraient presque oublier qu’il fut également… sportif de haut niveau.
Jean CHATARD
(Revue Les Hommes sans Epaules).
*
LE LUSTRE
rouge
volcan latent
c’est une boule que le feu ronge pendule au-dessus des têtes
l’œil unique d’un prodigieux cyclope qui façonne la
musique
et la grâce œil à facettes
miroitements scintillements
mille yeux toujours prêts à s’étonner
sur la scène-reposoir
une lueur d’encens a des mouvements d’étoupe
sur la salle
descendent des rayons aiguilles des rêves
l’œil qui surprend la partie et le tout une seule image recomposée
plus forte que la nuit sphère
œuf qui contient les ris et les pleurs
le bruit et la fureur
l’œil grandit s’épanche monstrueuses menstrues un monde va s’éveiller
André MALARTRE
*
Salut à André Malartre
André Malartre et sa revue iô (21 numéros regroupant 192 poètes) furent proches des HSE 1ère série et ce, dès la parution de notre premier numéro en 1953. « André Malartre a décidé de vivre en homme et en poète. Il dira « juste l’essentiel ». Son « j’entends vivre » nous fut chaleur et grain de sable, complicité de pierre à feu. Avec lui (autour de lui), vivront longtemps dans l’ombre ou non, les formes claires », put écrire Serge Brindeau, un HSE qui collabora à iô, à l’instar de bien d’autres : Jean Breton, Guy Chambelland, Hubert Bouziges, Frédérick Tristan, Thérèse Plantier, Gaston Puel, Jean Rousselot, Cécile et André Miguel, André Marissel, José Millas-Martin, Pierre Boujut, André Laude… Revue de premier plan, iô se lit et se relit encore de nos jours et avec plaisir et intérêt vraiment. iô , donne dans l’exigence et la qualité, de par son comité, ses articles, ses notes, ses chroniques et bien sûr ses collaborateurs poètes, dont : René Char, André Pieyre de Mandiargues, Guillevic, Robert Ganzo, Jean Follain, Jean Grosjean, Michel Manoll, André Verdet, Claude Roy, René Guy Cadou, Léopold Sédar Senghor, Loys Masson, Paul Chaulot, Louis Guillaume, Jean de Boschère… Mais iô, ce fut aussi l’intervention régulière des frères voyants, les peintres, et non des moindres : Pablo Picasso, Lucien Coutaud, Bona, Roger Toulouse, Henri Goetz, Françoise Gilot… Pour les dossiers, citons : La poésie et son public, la Poésie du cœur, la poésie nouvelle, la poésie spirituelle, Mystère solaire, la Poésie et la presse, Le centenaire de la mort de Kierkegaard, Vers, prose et poésie, Paul Chaulot, Rutebeuf, Saint-John Perse, Pierre Reverdy, Édouard Dujardin et le Monologue intérieur, Jean Cayrol, L’Homme est au milieu du monde, Les grandes revues et la poésie, Max Jacob, Guillevic, Jean Follain…
La rédaction des HSE
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
|
|
|
Dossier : Lionel RAY ou le poème pour condition n° 43 | Dossier : Poètes normands pour une falaise du cri n° 52 |